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Algèbre linéaire: Intuition et rigueur

Préface Préface

Quand j’ai su que j’allais donner le cours Algèbre linéaire et géométrie vectorielle pour la première fois, j’ai tout de suite pensé au cours que j’avais moi-même suivi une dizaine d’années auparavant. Je voulais offrir quelque chose de différent à mes élèves, loin des manipulations algébriques sans intérêt ne servant qu’à couvrir un contenu prescrit. À l’université, mes cours d’algèbre ont été, la plupart du temps, très théoriques et très peu de liens étaient faits avec les applications ou la géométrie. Pour quelqu’un qui s’intéresse aux mathématiques pour la richesse que cela apporte, ça ne pose pas problème, mais pour une personne pour qui le cours n’est qu’un passage obligé, il me semblait important de l’intéresser avec davantage de concret.
Tout a commencé par l’idée de relier les deux parties du contenu du cours. Je voulais établir une continuité entre matrices, vecteurs, droites et plans. Dans la majorité des cours et des manuels disponibles, les matrices deviennent un outil servant à résoudre des problèmes portant sur les droites et les plans. On énonce une panoplie de termes et de résultats sur les matrices sans en motiver la provenance ou l’utilité. Le déterminant d’une matrice? Un nombre qui lui est associé, mais sans plus. L’inverse? C’est utile pour résoudre des problèmes (alors qu’en réalité, ce n’est pas la méthode la plus efficace). Je n’ose même pas parler des notions de transposée, matrice symétrique ou orthogonale qui sont parfois présentées comme de simples propriétés algébriques sans applications.
Comment faire en sorte que ce passage entre matrice et géométrie vectorielle se fasse naturellement? La réponse se trouve dans les transformations linéaires. Elles sont mormalement reléguées dans un court chapitre voire une seule section sur les applications. En faisant des transformations linéaires le concept central du manuel, tous ces liens entre matrices et géométrie vectorielle se font aisément, en toute fluidité. L’utilisation des matrices comme un outil dans la résolution de problèmes demeure un concept important, mais ce n’est pas au cœur de ce manuel. De même, je considère que beaucoup des manipulations algébriques qui sont normalement effectuées dans ce cours, et qui le rendent selon moi terne et inintéressant, sont inutiles et ne rendent pas justice à toute la richesse du contenu qu’est l’algèbre linéaire. Les calculs et manipulations sont réservés presque entièrement aux matrices de petite taille et le logiciel libre Sage est utilisé pour le reste. Également, ceci a pour avantage de faire en sorte qu’il est possible de considérer des exemples beaucoup plus intéressants et des situations réelles, plutôt que des versions simplifiées de ces problèmes.
C’est donc avec l’intention de ne pas reproduire ce qui se faisait déjà, de proposer une nouvelle approche, que j’ai entrepris l’écriture de ce manuel. On dit parfois qu’une image vaut mille mots. Soit, mais en mathématique, cela signifie parfois aussi qu’une image vaut mille maux, si cette image tente de représenter un concept difficile ou si elle n’est pas bien construite et que l’on n’arrive pas à y voir la plus-value. La technologie permet maintenant de créer des images et des animations qui sont dynamiques ou interactives, permettant de les manipuler pour en changer l’orientation et la perspective. C’est particulièrement utile pour des situations dans l’espace à trois dimensions et cela permet de diminuer la difficulté de visualiser de la 3D sur une page ou un écran à deux dimensions. Dans sa version web, le manuel comprend aussi des cellules Sage qui servent à effectuer des calculs fastidieux qui déconcentrent de l’objectif principal du problème. Ces cellules permettent également d’introduire de petites notions de programmation qu’il est de plus en plus utile de connaitre dans toutes les branches de la science.
L’approche intuition et rigueur tente de plaire aux deux côtés de ma personnalité. D’un sens, je suis d’avis que derrière de nombreux résultats en apparence difficiles à démontrer se cache une explication plus simple, intuitive, mais qui tourne peut-être certains coins ronds. Pour plusieurs, cette explication est plus que suffisante et le gain obtenu en creusant pour aller comprendre la subtilité des détails est plus faible que le cout cognitif associé à l’entreprise de cette démarche. Dans l’autre sens, pour ceux et celles qui, comme moi, sont d’une nature à vouloir tout comprendre, l’explication intuitive les laisse sur leur faim. J’ai donc inclus dans le corps principal du texte la très grande majorité des démonstrations aux résultats. Quelques exceptions, principalement dans le chapitre 7, sont dues au fait que ces résultats utilisent des notions qui ne sont pas à proprement parler de l’algèbre linéaire. J’ai aussi pris la décision de fournir la totalité des réponses et solutions aux exercices du texte. Dans cette période où une simple recherche sur internet permet, par la multitude de sites (quora, stack.exchange, chegg, etc.) destinés à fournir des réponses aux questions d’étudiants, d’obtenir des réponses à ces exercices, les cacher me semblait futile. D’autant plus que certaines des solutions proposées par ces sites sont parfois erronées, quelquefois de manière subtile. Sans prétendre que mes solutions sont dépourvues d’erreurs, je peux au moins en prendre l’entière responsabilité.
“C’est en forgeant que l’on devient forgeron” comme dit l’adage! C’est tout aussi vrai en mathématiques, où il est nécessaire de faire beaucoup d’exercices pour maitriser la matière. Les exercices de bas niveau, souvent plus calculatoires, sont peu nombreux dans cet ouvrage, mais demeurent importants, dans une certaine mesure. J’ai fait le choix d’en inclure moins qu’ailleurs pour laisser plus de place aux exercices portant sur les concepts, les applications et les liens entre la matière. De nombreuses plateformes, comme WeBWorK, existent pour retrouver les exercices plus simples. Le manuel comporte tout de même plus de \(400\) exercices, des indices pour certains ainsi que les réponses ou les solutions pour tous.

Un mot sur l’écriture des nombres.

En français, la convention pour écrire un nombre décimal est d’utiliser la virgule pour séparer la partie entière de la partie fractionnaire. Par exemple, le nombre \(\frac{3}{2}\) s’écrit normalement \(1,5\) selon la notation française. De plus, les espaces sont souvent utilisés pour faciliter la lecture des grands nombres. Ainsi, le nombre dix-huit-mille-sept-cent-vingt-trois s’écrirait \(18\,723\text{.}\) Dans le cas de la notation anglaise, c’est plutôt le point qui est utilisé pour séparer la partie entière de la partie décimale et la virgule sert à séparer les grands nombres. Dans ce texte, j’ai choisi d’utiliser le point comme séparateur décimal. La principale raison est que cela assure une cohérence avec le logiciel Sage, puisque celui-ci fonctionne selon la notation anglaise.
J’espère que tout un chacun pourra trouver son compte dans ce manuel, offert gratuitement. Que vous soyez un de mes élèves, un élève d’un ou d’une collègue ou même d’une autre école, un enseignant ou une enseignante d’un autre établissement ou simplement un passionné ou une passionnée des mathématiques, j’ai espoir qu’au moins une partie de ce texte vous sera utile. Je serais heureux de recevoir tout commentaire, suggestion, correction, idée ou collaboration potentielle pour améliorer le contenu ou le bonifier.
Jean-Sébastien Turcotte
Cégep Gérald-Godin, 2023